En septembre 2024, Olivier Blin publiait Une Époque, petit livre dense dans lequel il retrace son parcours au théâtre de Poche. Du premier choc à l’adolescence jusqu’à la rupture de 1993 et le retour en 2016, en passant par la greffe de cœur qui l’a immobilisé pendant un an — et profondément changé sa manière d’accueillir les émotions — , il nous raconte son histoire d’amour avec ce lieu mythique où se croisent des publics de tous les horizons.
Olivier Blin a seize ans quand il pousse pour la première fois la porte du théâtre de Poche. Sur scène, un jeune comédien nommé Philippe Geluck interprète une pièce de Michaux. Dans la tribune, l’adolescent a le sentiment que le personnage et son texte ne s’adressent qu’à lui. Une rencontre éblouie qui va déterminer toute sa vie professionnelle.
Dans Une Époque, Olivier Blin dresse le portrait des deux figures tutélaires qui ont façonné l’esprit du Poche : Roger Domani, le fondateur visionnaire, et Roland Mahauden, son successeur, qui prit les rênes du théâtre à la mort de Domani. Deux « vieux pirates », comme il les décrit, qui ont insufflé à ce petit théâtre niché au bois de la Cambre une âme singulière, rebelle et généreuse.
Pourtant, en 1993, Olivier Blin claque la porte. Les divergences artistiques sont devenues trop profondes et il ne se satisfait plus de la manière dont évolue la programmation. Alors il part, fonde La Charge du Rhinocéros, une association qui diffuse le théâtre là où on ne l’attend pas — notamment en Haïti. Mais les premières amours sont parfois tenaces : il reviendra au Poche en 2016, l’année du cinquantenaire du théâtre, pour en prendre la direction.
Le jean, le vison et Article 27
Si l’histoire du Poche est émaillée de rencontres visionnaires — avec des mises en scène d’un jeune inconnu nommé Wajdi Mouawad ou les premières représentations francophones des Monologues du vagin et de Trainspotting par exemple — , elle s’est aussi toujours illustrée par la mixité des publics. À son époque, Mahauden se félicitait déjà d’y faire se côtoyer « le jean et le vison », sans distinction d’âge ni de revenus. Cette démocratisation de la culture, Olivier Blin l’a poussée encore plus loin en participant activement à la fondation de l’asbl Article 27 dont il a trouvé le nom — référence à l’article 27 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, qui stipule que « toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté ». Aujourd’hui, Article 27 permet à des dizaines de milliers de personnes en situation de précarité d’accéder aux spectacles pour 1,25 euro. Un dispositif essentiel rassemblant un réseau de plus de 800 partenaires sociaux et 835 opérateurs culturels à travers la Fédération Wallonie-Bruxelles, qui a déjà distribué près de 800 000 tickets depuis sa création.
C’est de tout cela qu’Olivier Blin nous parle dans cette émission. Il évoque aussi en quoi sa récente greffe cardiaque a transformé non seulement sa vie, mais aussi son travail de directeur artistique, qui s’autorise désormais à accueillir plus intensément l’émotion. Enfin, il nous partage son lien avec Bruxelles, ville de la rencontre et de l’inattendu.
Photo : montage d’après un cliché original de Lara Herbinia.
Les chroniques de Céline et Pierre
Dans cette émission, vous entendrez aussi le coup de foudre de Pierre pour Kapital Europe, un film puissant et revendicatif à voir au Cinéma Aventure, et celui de Céline pour Heron City, qui documente la lutte d’un quartier de Bruxelles promis aux pelleteuses en 2001.
La programmation musicale de cette émission :
- Another Brick in the Wall, pt. 2 (Pink Floyd, 1979)
- Le monde est fou (Jacques Higelin, 2016)
(Pour des raisons liées aux droits d’auteur, les chansons proposées dans l’émission lors de la diffusion sur Radio Alma 101.9 ne figurent pas dans le podcast)
Pour aller plus loin
- Le site du théâtre de Poche
- Celui d’Article 27
- Une époque, le livre d’Olivier Blin, est disponible à l’accueil du théâtre de Poche.