GUERRE SEPTEMBRE/OCTOBRE 2024
Jeudi 27 septembre 2024
Liban : un nouveau Gaza ?
Les raisins ont été cueillis, les figues aussi. C’est la fin de l’été. Le ciel est bleu resplendissant. Il fait encore chaud. Mais une douce brise annonce déjà l’automne. Des feuilles commencent à jaunir sur les arbres.
Si on pouvait s’en tenir qu’à ça, ce serait un paradis. Mais les bombardements se poursuivent. Hier 50 morts et 115 blessés. Des attaques israéliennes sur le sud et la Bekaa. Un homme est visé dans sa voiture à Kahalé sur la route de Beyrouth à Damas. Il dit venir de la Bekaa où il visitait sa famille. Il est seul à être atteint, sa femme et ses deux enfants sont saufs. Un engin, dit ninja, a traversé le pare-brise et lui a déchiqueté un bras et une jambe. Terrible de voir cette opération, presque en direct, à la télé. Des autres bombardements on ne voit que des décombres d’où on sort des corps inertes de femmes et d’enfants.
De nombreux dirigeants du hezb sont visés. La liste doit être longue car ils continuent à tomber. Responsables civils et militaires sont progressivement éliminés dont plus d’une dizaine des brigades Al-Adwane.
Les commentateurs des médias ne peuvent s’empêcher de faire le parallèle avec Gaza : bombardements ciblés ou non, élimination des dirigeants, frappes sur les populations civiles y compris les hôpitaux, fuite des populations pour vider les territoires…Une ferme volonté de détruire l’organisation ennemie tout en disant qu’ils n’en veulent pas au peuple libanais, dont la population meurt tous les jours.
70 000 se sont déplacés du sud depuis vendredi dernier, quand les bombardements se sont généralisés causant 500 morts et 1600 blessés. Ce n’est que le début. Affolés et terrorisés, les habitants ont pris leur voiture avec femmes et enfants et se sont précipités plus au nord vers Beyrouth et d’autres zones.
Les écoles ouvertes pour les accueillir sont insuffisantes, au fur et à mesure que le flot s’intensifie. Aucune préparation, tout manque : le matériel, les matelas, l’électricité (pas de fuel pour les moteurs). La nourriture a été pourvue en dernière minute. Les déplacés se sont accommodés et se sont installés tant bien que mal. Il n’y a pas eu le même mouvement spontané de solidarité qu’en 2006, quand Dahié et le sud ont été bombardés. Mais ils ont été accueillis avec le plus de dignité possible dans les diverses zones du pays, surtout à Beyrouth mais aussi dans le nord. Non sans quelques incidents, puisque certains arrivaient avec la photo de Nasrallah. Un ressentiment à l’égard de leur appui au hezb, responsable des
représailles sur le Liban, de la destruction surtout de vies humaines et de la rupture de leur vie normale, les obligeant à abandonner leur maison et leurs avoirs.
Un nouveau Gaza ? Espérons que non, bien que les images des zones bombardées y ressemblent. Le Liban ne tient presque pas debout. Il s’écroulerait. Déjà l’économie est à plat. Elle va souffrir irrémédiablement de cette nouvelle guerre et mettra du temps pour s’en remettre.
L’Etat, en faillite, a quand même pris des décisions pour organiser l’accueil des déplacés. Il a aussi pris à sa charge les dépenses des hôpitaux qui soignent les blessés.
Il n’y a pas de sursaut national, la population reste passive, apeurée et affectée par les nouvelles destructions. Depuis longtemps, elle a perdu confiance dans le pouvoir et n’exprime pas d’attente à son égard. Quand le premier ministre sortant appelle pour l’élection d’un président de la République, poste vide depuis plus de deux ans, il n’y a pas de réaction. La population est convaincue de l’incapacité de ses dirigeants.
Des pourparlers sont en cours pour un cessez-le-feu au niveau des Nations Unies, où le premier ministre s’est déplacé. Visiblement Israël n’a aucune intention d’arrêter la guerre et les Etats-Unis n’ont pas les moyens de le convaincre, ni de chanter la décision de lui fournir des armes.
De son côté, le Liban est sans défense et n’a aucun moyen de résister. Son armée ne dispose que d’armes légères, qui ne lui servent que pour des actions de sécurité interne. Elle a été interdite d’acquérir des armes qui lui permettent de se défendre contre Israël. Quand les Russes (en 2017) ont voulu lui offrir une coopération militaire, les Etats-Unis se sont opposés sous peine de sanctions. L’armée sort rarement de ses casernes, y compris dans le sud. Le hezb ne la laisse pas se déployer le long de la frontière.
Le hezb continue à envoyer des missiles en direction de Haifa et des zones au nord d’Israël, atteignant rarement ses cibles, la plupart interceptées, faisant plus de bruit que de mal. Une fois de plus, il faut dire que la relation de force est complètement disproportionnée, surtout quand on voit la technologie américaine, mise à la disposition d’Israël.
Le Liban risque de perdre une zone du sud qui peut servir de zone tampon et restera probablement dépeuplée. Les habitants ont été interdits par Israël de revenir chez eux. Est-ce le prix pour que le calme revienne ?
Le soir, un débat sur la chaine libanaise MTV : ce programme assez populaire de Marcel Ghanem intervient au moment où le Liban est la cible de frappes multiples, où on entend les avions passer le mur du son et les bombes éclater.
Un des représentants du hezb participe au débat. Son parti a des députés à la chambre et participe au gouvernement. A la fin de la guerre civile libanaise, en 1990, toutes les milices des partis politiques, en particulier chrétiennes ont été désarmées. Seul le hezb a gardé ses armes en se proclamant la résistance face à Israel, pour la défense des frontières et de quelques territoires encore occupés (Mazarat chaaba), à l’origine appartement à la Syrie, mais considérés par Israël comme un prolongement du Golan. La question est restée controversée. Depuis, le hezb avec l’appui de l’Iran, a bâti un arsenal, creusé des tunnels, des dépôts d’armes surtout dans le sud et dans la banlieue de Beyrouth.
La manière dont s’exprime le représentant du hezb montre que faute d’arguments il n’arrive pas à répondre aux questions. Il essaie de les éviter, car il ne veut pas reconnaitre qu’ils sont à l’origine des représailles d’Israël contre le Liban. Il se limite à exprimer son idéologie de manière assez confuse et un endoctrinement qui n’a rien de rational.
Il apparaît qu’il ne connait peu ou presque pas l’histoire du Liban. Il ignore le contenu des accords de Taef (qui ont terminé la guerre civile 1975-90). A cette époque, leur parti venait d’émerger sur la scène politique et commençait à figurer comme une force significative dans les rapports de force. Depuis cette date, où il a imposé le fait de garder les armes, les problèmes n’ont pas cessé. Il s’est opposé à l’armée libanaise, qui devait se déployer dans le sud jusqu’à la frontière, lorsque les forces israéliennes se sont retirées, après avoir occupé un territoire le long de la frontière de 1985 à 2000. Il a accepté la FINUL (forces de paix des Nations Unies) sous condition de neutralité et d’une figuration sans pouvoir.
Toujours est-il que dans le débat le représentant du hezb veut dominer la discussion par la force, en élevant la voix, face à un historien connaisseur des questions politiques et argumentant de manière rationnelle. Le modérateur essaie de le calmer et de l’amener en vain à répondre aux points débattus.
Triste figure que ce représentant d’une force armée dominante, en train de conduire le pays à sa ruine et surtout liant son sort à celui de Gaza, quand on sait le champ de ruine qu’est devenu cette zone et dans quel état se trouvent ses habitants, complètement impuissants face au rouleau compresseur ennemi qui les a broyés non seulement par les armes, mais aussi par la faim, la soif, la maladie…Situation de non-retour pour cette zone rendue inhabitable pour les années futures ? Le Liban refuse de subir le même sort. Ses habitants ne le méritent pas, d’ailleurs personne ne le mérite et c’est ce que les forces du hezb, qui veulent s’imposer contre la volonté d’une majorité ne veulent pas admettre.
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