Progression de la pandémie (27)

Jeudi 23 avril


Le monde a changé, sera-t-il le même ?

Parlons des « tracers », ceux qui suivent les personnes infectées par le virus. On parle d’une armée de tracers (« army of tracers »). Ils sont chargés d’éviter que les personnes infectées n’entrent en contact avec d’autres, en sortant de leur quarantaine. Un système de surveillance incroyable s’est mis en place. Aux Etats Unis, on parle de 100 000 personnes pour le faire. Le maire de New York affirme que c’est une des conditions pour que les entreprises reprennent leurs activités. Quelle surveillance ! On vit dans un monde différent.

En Belgique, encore 230 morts dont 136 en maison de retraite, les hospitalisations diminuent mais il y en a encore 4500. Le poids sur le personnel soignant s’allège un peu. D’ici une semaine, on prévoit un déconfinement progressif, mais la pandémie n’est pas jugulée. Les autorités en ont bien conscience. Ils vont commencer par ouvrir les petits commerces le 3 mai. Les écoles ouvriront le 18 avec des conditions de distanciation et le port des masques pour les
plus de 12 ans. Ouf ! Soupir de soulagement des parents. On exige des masques pour ceux qui circulent dans les transports publics. Mais on n’en trouve pas encore assez. Tout le monde reste prudent, une rechute est dangereuse et ce sont encore des vies perdues.

Aux nouvelles du soir, les mesures se précisent : tous les petits commerces ne vont pas ouvrir et ne le feront que sous certaines conditions : masque et gants pour le commerçant, un nombre limité de personnes dans le magasin, gel hydroalcoolique…

Si les entreprises ouvrent, elles doivent elles-aussi prendre le même type de mesures de distanciation et d’hygiène. Les écoles qui doivent ouvrir bientôt commencent aussi à soulever pas mal de questions : comment respecter les distances. Faut-t-il réduire le nombre d’élèves ? Il faut avoir des masques pour les jeunes de plus de 12 ans. Les professeurs aussi expriment leurs craintes, surtout les moins jeunes. Encore deux semaines pour résoudre tous ces problèmes.

Il faut aussi assurer la sécurité dans les transports publics : faut-t-il imposer un nombre limité de voyageurs par transport pour garder les distances ? Les masques sont toujours obligatoires.

Il faut voir comment cela va fonctionner, sans que les contaminations reprennent.

Sur la chaine Arte, dans le programme 28 minutes, Perrine Simon-Nahum, historienne, chargée de recherche au CNRS, parle de l’impréparation du pouvoir et de l’incapacité de l’administration. Celle-ci est rendue moins efficace à cause de l’absence de priorités au niveau de la société, de la politique et de l’économie. Les personnes sont sur la réserve, alors que les politiques ont du mal à assumer leurs décisions. Elle dit que le Président Macron n’a assumé que sur le tard. Il est positif que le pouvoir politique fasse part de ses doutes, lié à des conditions inédites, où même les scientifiques ont du mal à se prononcer. Elle cite Raymond Aron qui dit : « Il faut s’armer de sagesse ».

La société s’adapte comme elle peut. Des distributeurs de gel hydroalcoolique vont-t-ils être installés partout dans les rues, aux entrées du métro, dans les transports publics…comme cela s’est fait dans certains pays ? Cela fait aussi le délice des enfants. Mais ce n’est pas encore le cas à Bruxelles.

Avec le gel, c’est une nouvelle ligne de production où certains industriels se sont lancés. Certains pays ont aussi réduit la taxe sur le gel à un minimum de 5%.

Dans les rues et sur les murs des pancartes permettent aux personnes d’exprimer leur opinion ou leur solidarité avec le personnel soignant. Quelqu’un a aussi mis une pancarte pour vendre des masques (3,5 € la pièce).

Je fais un tour dans le quartier, il y a peu de monde dans la rue. Je pousse jusqu’à la place Louise, en passant par une rue piétonnière, pleine de restos des deux côtés. La plupart ne font que des plats à emporter. Un groupe de jeunes livreurs de Uber eat attendent, près de leur bicyclette ou moto, de recevoir les commandes pour aller faire les livraisons de repas. C’est la seule animation dans ces rues normalement grouillantes de monde ! Les livreurs ne peuvent pas chômer ; ils n’ont pas d’autre ressource pour vivre. Les contacts font partie du risque qu’ils prennent.

Prenez soin de vous !

Comme le dit un journaliste, Marc Meide Penningen, le « prends soin de toi » est devenu sacramentel et obligatoire dans les relations interpersonnelles. C’est réjouissant, sauf à considérer que cette locution serait devenue obligatoire, sous peine d’apparaitre comme non compatissant avec son semblable. C’est aussi une formule de politesse au bas d’un courrier ou au terme d’un entretien téléphonique. Le coronavirus aura apporté un supplément d’âme dans les relations humaines. Il rapproche les âmes éloignées par les mesures de distanciation.

Et le confinement des créateurs ?

Les créateurs confinés réagissent eux aussi. Prenons le cas de Rabih Kayrouz, un designer libanais de 46 ans. Confiné dans sa ville natale de Beit Douma, au Liban, bien qu’il soit établi à Paris depuis 2008, il a lancé la semaine dernière sur instagram un défi créatif en proposant du linge de maison cousues à partir de pièces de vieux draps, trouvés dans le quartier arménien de Beyrouth, Bourj Hammoud. Il en fait des habits, par exemple, une jupe portefeuille à partir d’une nappe brodée. Dans de courtes vidéos, il montre comment il procèdexv. Il a un succès notable.

En Arabie Saoudite, un styliste a profité de l’obligation du port du masque pour fabriquer des masques stylés : des hijab magnifiques, brodés et décorés de toutes sortes de perles et d’accessoires. A ce rythme, les masques seront bientôt considérés comme un accessoire à la mode. Il y aura des collections hiver/été, des défilés peut-être, avec les couleurs de la mode. Les grands couturiers s’y sont mis aussi et ont lancé leurs modèles de masque, avec leur
touche caractéristique. Un beau succès pour les femmes qui veulent se faire belle, malgré l’obligation de se cacher le visage.

Dans ces temps incertains, on entend aussi des nouvelles délirantes et ça ne vient pas de n’importe qui. Le Président Trump suggère d’injecter du désinfectant pour lutter contre le virus. Il l’affirme devant les yeux ahuris d’un médecin. Par la suite, il s’est rattrapé en disant qu’on l’avait mal interprété. Son pays souffre beaucoup avec un million de personnes
infectées et presque 60 000 morts, il décide cependant d’ouvrir les salons de coiffure, les gymnases et les petits commerces. Les experts parlent tantôt d’un pic qui n’a pas été atteint, tantôt d’une nouvelle vague. Il expose la vie de ses citoyens.

Cette crise a aussi mis en évidence de nouvelles priorités, qui traversent la société. On ne se serait pas attendu et on s’en serait passé aussi : le papier W-C, le bricolage et …même le hamburger sont en pénurie ! Pour le premier, les gens se sont précipités dans les supermarchés et l’ont stocké. Les bricos ont vu s’aligner devant leurs portes des files, parfois interminables. Certains achètent une pelle ou un râteau pour jardiner, d’autres refont leurs peintures, organisent leurs rangements ou retouchent leur mobilier. Quant aux Mac do, ils ont regagné de la popularité, les gens y viennent en groupe, en famille ou par drive-in en voiture pour être servis. La gastronomie en a attrapé un coup !

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