II- Un Déconfinement Progressif (11)

Samedi 16 mai

Je lis un appel intéressant venu du monde universitaire, qui commence à bouger de manière collective.

Plus de 3000 académiciens, issus de 600 universités du monde entier, signent un manifeste intitulé : « Travail : démocratiser, démarchandiser, dépolluer », publié dans 30 journaux de 23 pays. L’initiative émane de trois femmes professeures, venues de différents horizons : Isabelle Ferreras, professeure de sociologie, de l’Université de Louvain, Julie Battilana, professeure d’administration à Harvard Business School et Dominique Meda, professeure de sociologie à Université Paris-Dauphine. Le document avance trois mots d’ordre : démocratiser, démarchandiser et dépolluer. Démocratiser l’entreprise c’est permettre aux employés de participer aux décisions. Démarchandiser implique que la collectivité garantisse un emploi à tous. La logique de rentabilité ne peut pas décider de tout. Cela permettra, non seulement d’assurer la dignité de chacun, mais aussi d’agir collectivement pour dépolluer la planète et la sauver. Isabelle Ferreras pense que pour cela il faut que les travailleurs s’organisent. Si l’entreprise s’arrime uniquement au marché mondial, les travailleurs ne pourront pas s’exprimer. Elle se demande si on pourrait réhabiliter l’autogestion. Elle cite Anna Arendt : « C’est dans le vide de la pensée que s’inscrit le mal ». Il est nécessaire de baser le futur de la
société sur des fondements solides et réorganiser le modèle social.xxvi

Une autre intervention, publiée dans les médias, qui m’a frappée par son authenticité et sa sincérité est celle de Kay Sara, une actrice brésilienne de l’Amazonie, qui devait jouer dans la pièce de théâtre Antigone, au Werner fest wochen. La pièce devait avoir pour décor une route d’Amazonie, dans une zone déboisée. Elle écrit un texte bouleversant : « J’appartiens au troisième clan des Tariana, le clan du dieu du tonnerre, comme Antigone. Un mythe dit que ce clan est un peuple de la pierre. Nous voulons communiquer avec les gens qui viennent à nous ». Elle le dit dans sa langue maternelle celle du peuple Tukana.

« Notre histoire a longtemps été racontée avec les mots des non-indigènes. Le temps est venu pour nous de raconter notre propre histoire…Avec les européens sont aussi arrivés les maladies. Des millions de personnes sont mortes d’autres assassinées au nom d’un Dieu et d’une civilisation, du progrès et du profit. Mais cet évènement a été oublié ». Puis le corona est arrivé, une maladie mortelle qui décime les indigènes. Le temps fait défaut pour les funérailles et les morts sont enterrés par des tracteurs et ceux qui ne sont pas enterrés jonchent les rues, non enterrés comme le frère d’Antigone. Les blancs en profitent pour s’enfoncer plus en avant dans la forêt et la brûler. Les indigènes qui tombent aux mains des bucherons sont assassinés. Le Président Bolsonaro a donné l’ordre d’ignorer les indigènes. Le génocide se poursuit. Les gens sont habitués à ces nouvelles et n’y font plus attention. Le temps est venu d’écouter ces peuples. « Il n’y a rien à gagner dans ce monde. Il n’y a que la vie ». Kay Sara pense qu’il n’est plus question d’art, de théâtre mais de leur propre tragédie. « Soyons comme Antigone, quand l’illégalité devient loi, la résistance devient un devoir. Nous résisterons ensemble ; nous serons humains …unis par nos différences et notre amour de la vie qui défère tout ».

Tout est dit !

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