II- Un Déconfinement Progressif (20)

Samedi 6 juin

A De Haan et ailleurs sur la côte belge tout est calme. Peu de monde dans la rue et dans les magasins. Presque personne ne porte de masque, sauf les vendeurs derrière leur comptoir. A la boulangerie, les vendeuses ont des gants et frottent leurs mains avec du gel hydroalcoolique, après avoir servi chaque client. Si ce n’est les files devant quelques
magasins, on n’aurait pas pensé qu’il y a eu un gros bouleversement.

Quand on arrive sur la digue et qu’on voit tous les cafés et restos fermés, on se rend compte du changement. On est saisi de tristesse face à cet abandon. Sur la plage, les loueurs ont installé leurs cabines. On ne voit pas de chaises dehors. Ce jour-là il pleut et il y a du vent. En temps voulu, ils devront mettre leurs chaises à des distances appropriées.

On ne voit pas de préparatifs à l’ouverture des cafés et restos, qui doit se faire dans deux jours, le lundi 8 juin, alors que le journal montrait des photos, tirées ailleurs, de serveurs en train de mesurer les distances entre les tables, pour respecter les règles. Certains propriétaires se demandent s’ils vont tenir le coup, en limitant le nombre de personnes et en supprimant les consommations au bar. Mais ils sont tous contents de retrouver leurs clients et espèrent que les règles vont s’assouplir dans les prochains temps.

Les gens commencent à se donner RV pour un verre ou un repas. Ils ont l’impression que la vie normale va reprendre et qu’ils vont retrouver leur liberté. Ce n’est peut-être qu’une impression, car la pandémie est loin d’être finie, mais cette idée réconforte.

C’est la course au vaccin. Tellement de laboratoires sont en action pour aboutir à un résultat. L’OMS (Organisation mondiale de la santé) dénombre 125 programmes lancés un peu partout dans le monde. L’UE a beaucoup investi : 1,4 milliard pour sa part en plus des 9,4 milliards de dons obtenus, dont on avait déjà parlé. Certains financements viennent de l’industrie pharmaceutique et d’autres d’acteurs étatiques puissants comme le Barda aux Etats-Unis, ainsi que de fondations philanthropiques comme le Welcome Trust, la Gate Foundation et le Cepi, une coalition internationale incluant des Etats et des fondations. Il n’est pas étonnant que les fondations interviennent, le secteur public ne dispose pas de suffisamment de moyens. Les grandes firmes pharmaceutiques cherchent la rentabilité à court terme, ce qui n’est pas le cas des laboratoires, hôpitaux et universités publiques. Les fondations ne fournissent pas que l’argent, elles ont leur propre vision et supervisent l’utilisation qui en est faite. Elles organisent la mise en place de collaborations. Elles sont plus flexibles que les structures publiques et peuvent jouer le rôle d’arbitre entre les opérateurs publics et privés.

L’UE a bien insisté sur le fait que le vaccin doit être un bien public, puisque financé avec des fonds en majorité publics. Il va être difficile de convaincre la firme qui inventera le vaccin de le mettre à disposition de tous, sans faire payer le prix fort. Entretemps, le monde entier en dépend pour pouvoir retourner à une vie normale.

Esther Duflo, prix Nobel d’économie en 2019, vient de publier un livre qui tombe bien : « Economie utile pour des temps difficiles » avec Abhuit Banerjee xliii.

Cette crise a mis beaucoup de personnes dans la pauvreté. L’autrice trouve une grande différence entre cette crise et la dépression de 1929, du fait que l’effondrement n’a pas été provoqué par une crise du système bancaire. Cela se rapproche plus d’une catastrophe naturelle ou d’une guerre. Pour éviter une dépression, il faut soutenir le revenu des populations. Les pays riches ont dépensé beaucoup d’argent pour stimuler leur économie, 10% du PIB aux Etats-Unis, mais le risque est qu’une partie de cet argent aille aux actionnaires des entreprises, comme c’est le cas pour les compagnies aériennes. Il faut plutôt mettre l’argent où on peut conserver les emplois et maintenir les salaires, comme au Danemark. Un autre risque est celui du renforcement de l’automatisation des entreprises, l’achat de machines jouissant d’avantages fiscaux. Dans ces cas, les emplois sont définitivement perdus.

Les pauvres ont si peu d’argent qu’il ne leur faudrait pas grand-chose pour améliorer leur situation. L’objectif de l’élimination de la pauvreté en 2030, date fixée par les Objectifs du développement durable, risque d’être aléatoire. Il faut se concentrer aussi sur l’éducation, pas seulement sur la croissance.

Cette crise a mis à nu la pauvreté, celle qu’on ne voyait pas et a élargi les populations qui sont affectées et qu’on ne peut pas laisser pour compte.

Pages : 1 2

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *