LIBAN : SEPTEMBRE 2025 , Chronique Nelly Jazra

SEPTEMBRE 2025
Un début de réformes

Désarmer le Hezbollah
Mercredi 10 septembre 2025
La préoccupation majeure de tout le pays, gouvernants et une grande majorité des citoyens veulent le désarmement du Hezbollah. C’est dans toutes les conversations, avant même de parler des réformes que le gouvernement de Nawaf Salam lance progressivement.
Question extrêmement difficile qui divise la population entre les chiites prohezb refusant de remettre leurs armes à l’armée libanaise et le reste des Libanais. L’argument principal est que les combattants forment la résistance contre Israël. L’autre argument est qu’il faut mettre fin aux milices armées et confier à l’armée la défense du pays. C’est ce que le Président de la République Joseph Aoun et le premier Ministre Nawaf Salam s’efforcent de faire. Ils veulent que ce soit d’une manière pacifique et consensuelle : « Rien ne sert de forcer ». Même en ne forçant pas ils essuient un refus. « Il faut éviter à tout prix une guerre civile », l’hostilité de la communauté chiite, mais aussi une nouvelle invasion du sud par l’armée israélienne. Lors de la discussion de ce point, à la réunion du conseil des Ministres, les 5 ministres chiites ont quitté le conseil, juste au moment où le Chef de l’armée est venu exposer les détails de l’opération de désarmement. Les Etats Unis ont pris des sanctions contre des membres du parti chiite Amal et contre certains membres de la famille du chef de ce parti Nabil Berri, qui protège le hezb. Berri entrevoit l’approche des prochaines élections de 2026 et nécessite le rapprochement des 2 partis chiites, représentés par 27 députés à la chambre.
Israël se sert de ce prétexte pour continuer à bombarder le sud et la Bekaa. Il intervient dès qu’il perçoit un mouvement ou dès qu’un dirigeant du hezb est à découvert. Il a déjà détruit la plupart des stocks d’armes lourdes, surtout celles de longue portée. Il continue à occuper 5 positions stratégiques près de la frontière sud, qu’il n’a pas voulu évacuer après la signature des accords de paix fin novembre 2024.
Avec Netanyahu on ne peut pas s’attendre à revenir au calme. Hier, le 9 septembre, il a bombardé le local où se réunissait la délégation du Hamas, chargée des négociations et de la libération de otages israéliens et réunie à Doha au Katar.
En attendant, le Liban reste internationalement isolé. Les Américains ont défini clairement leurs conditions pour normaliser la relation et reprendre le « business ». Tom Barak, leur représentant, a exprimé son mécontentement en disant que le désarmement n’avançait pas. Les Européens suivent cette position, tout en étant légèrement plus nuancés. Le représentant français, M. Le Drian, en visite, n’est pas pour le forcing.
Entretemps, les investissements et les prêts internationaux sont gelés, à une exception près ceux de l’Arabie Saoudite pour renforcer l’armée.
Un plan a été établi en juillet, fixant le délai de la remise des armes, pour la fin de l’année. L’opinion des responsables de l’armée est que ces délais doivent être plus longs.
Un pas essentiel serait franchi si l’opération de l’armée couvre en priorité la zone allant de la frontière sud jusqu’au fleuve Litani.
Une fois ce pas franchi, la reconstruction de la zone sud serait possible, accompagnée d’un renforcement de l’armée libanaise.
C’est ce que souhaite la grande majorité des Libanais.

Non, tout n’est pas figé !
Jeudi 11 septembre 2025
Non, tout n’est pas figé, comme le pensent certains. Au contraire, il y a pas mal de changements. Tout d’abord dans le paysage urbain. Le building du côté de la rue Hamra, pas loin de l’Université Américaine de Beyrouth (AUB), qui sans doute était encore au niveau des fondations s’élève maintenant avec près de 50 étages. Des appartements de luxe. Qui les achète ? Quelqu’un me répond très spontanément « les chiites ». Caractérisation confessionnelle du business. Avant, on aurait dit les émigrés d’Afrique ou des pays du Golfe…non c’est l’identification avec la communauté, qui montre le recul de la mixité. Sans doute aujourd’hui c’est une des communautés où on trouve pas mal d’hommes d’affaires qui se sont enrichies. Revanche historique d’une communauté, qui avant la guerre civile (1975-1990) était la plus pauvre et la plus marginalisée.
Il y a eu une période où les Libanais, émigrés dans les pays du Golfe, investissaient et achetaient de l’immobilier. Aujourd’hui les salaires sont plus modestes et le cout de la vie très élevé, en particulier le logement. A peine si les jeunes qui y travaillent, mettent de l’argent de côté. Ils s’occupent surtout de couvrir les dépenses de leur famille.
Allant de la rue Hamra vers le centre-ville, une pancarte indique « Quartier d’habitations historiques ». Un immeuble datant des années 30 ou 40 à a été joliment restauré. Il brille de milles feux. Puis suivent 4 à 5 immeubles de chaque côté de la rue, tous abandonnés, ou dans un piteux état. Certains plus dégradés que d’autres. Que vont-ils devenir ? Restauration ou spéculation immobilière ? La pancarte ne peut constituer qu’une faible protection.
Cependant, les infrastructures sont à un point stable. L’approvisionnement en électricité, s’est légèrement amélioré ; le nombre d’heures, toujours très insuffisant, est passé de 3 à 6 heures. L’éclairage des rues principales et des boulevards est plus fréquent, plongés auparavant dans l’obscurité, ils le redeviennent souvent après minuit.
Quant à l’eau les citernes continuent à sillonner les rues de la capitale et d’autres villes. L’eau au robinet vient rarement. Les barrages sont à sec et les nouveaux projets, coutent trop cher et dépassent de loin les capacités de financement du budget (avec un trou au fond de 3,1 milliards de $ en 2025 ). Les projets de construction prévus posent de gros problèmes environnementaux, surtout que la plupart se situent dans des zones écologiquement sensibles ou des zones protégées (par exemple Nahr Brahim). Tout le monde plaide pour de plus petites retenues d’eau qui pourraient améliorer la gestion de cette denrée précieuse.
Dans le cadre des réformes prévues, le nouveau gouvernement de Nawaf Salam a lancé une réforme importante su système bancaire avec le Gouverneur de la Banque du Liban M. Soueid Il s’agit de remettre progressivement une partie des dépôts perdus par les épargnants lors de la dévaluation de la livre libanaise et de la fermeture des comptes . Déjà les montants qui peuvent être retirés par les épargnants sont plus élevés. Le gouverneur de la banque centrale M. Souhaid a avancé plusieurs propositions dont une sur le dit « trou financier ». Pour avancer sur ce texte, « la banque centrale a besoin d’outils », a plaidé M. Jaber, ministre des finances, le premier ayant été la levée du secret bancaire, entrée officiellement le 24 avril. Cependant, le processus est resté bloqué en raison d’un désaccord sur la composition de la future Haute Autorité bancaire (HAB), chargée de superviser la mise en œuvre de la réforme (art OLJ du 2 juillet 2025). Le ministre n’a pas laissé certains déposants récupérer leurs fonds suite à des procès à l’étranger, pour ne pas créer un traitement différent entre les déposants. La réforme du secteur bancaire est une condition essentielle pour conclure un accord avec le Fonds monétaire international (FMI). Il y a encore beaucoup à faire !
Le gouvernement essaie d’avancer dans un pays où tout est à refaire et où toutes les structures publiques ont été négligées et abandonnées.
Reste à voir comment résoudre l’opposition féroce de tous ceux qui profitent des systèmes parallèles crées surtout pour l’électricité et l’eau.

Une conversation à la volée !
Lundi 15 septembre 2025
Je saisis une conversation à la volée qui se déroule en ma présence, sans que je le veuille et alors qu’elle a interrompu un échange avec la personne en question.
J’ai compris tout de suite que mon interlocuteur parle au téléphone avec sa femme. On maltraite rarement une autre personne, s’il ne s’agit pas de quelqu’un de très proche et qui de plus proche que la femme ! La raison, comme dans beaucoup de cas, est l’argent. Pas parce qu’il en manque ou que le père ne donne pas assez à la famille. Simplement, les enfants ont vidé les poches, comme ils en ont l’habitude, tous les matins, de toute la monnaie qu’il y avait pour leurs menues dépenses de la journée. J’ai compris que les enfants sont adolescents, certains à l’université. Résultat, mon interlocuteur n’a plus que de gros billets, qui ne s’échangent que difficilement. Il n’a plus de petites pièces pour payer une petite dépense de trois fois rien et a dû perdre beaucoup de temps pour résoudre ce problème. Résultat, il est en retard, de mauvaise humeur et se défoule sur sa femme en disant qu’il a la journée gâchée.
Puis, il coupe court la conversation en disant qu’il est occupé et doit aller chercher du matériel pour l’installation qu’il fait, alors qu’avant il faisait tranquillement ses factures.
Je ne sais pas quelle a été la réaction de sa femme. Surement, une grande frustration qui s’ajoute sans doute à d’autres qui jalonnent la vie de tous les couples. Et la liste se rallonge.
J’ai appris que la femme ne travaille pas, qu’elle a trois enfants…le mari ajoute un commentaire : « Comment voulez-vous qu’elle travaille avec 3 enfants ? ».
Je réponds sans beaucoup de conviction, que certaines le font. Or, je sais que la situation des femmes mariées avec des enfants est difficile et que les cas que je connais ne doivent pas être très nombreux et se passent dans des familles où le mari collabore vraiment à la vie du ménage et que les grands parents des deux côtés du couple sont mobilisés. Pour cette raison, beaucoup de jeunes femmes abandonnent leur travail quand elles ont le premier ou le deuxième.
Il est difficile d’avoir une place dans des garderies, les publiques sont inexistantes et les privées très chères. Confier ses enfants en bas âge, toute la journée, à une nourrice comporte de gros risques. En outre, le coût est très élevé, surtout si c’est une personne compétente et pas une femme de ménage
L’absence d’autonomie de la femme l’expose tout d’abord financièrement, mais pas seulement, elle doit supporter sans broncher les humeurs changeantes du mari. Tant que celles-ci restent supportables, le couple tient, sinon une rupture s’installe progressivement, bien qu’au Liban il est rare que l’un ou l’autre demande le divorce. Ils continuent à vivre ensemble pour des raisons familiales et sociales. Un divorce n’implique pas seulement le coupe, mais toute la famille élargie des deux côtés. Les parentèles se retrouvent en rupture et les enfants sont plus tiraillés que dans les pays occidentaux, car ils sont plus sollicités par les différents membres.
Par ailleurs, le mariage religieux est difficile à rompre, couteux et compliqué surtout si c’est la femme qui demande le divorce. La rupture prend un accent dramatique. Il est courant qu’on refuse à la femme le divorce, alors que l’homme l’obtient plus facilement et est jugé moins sévèrement.
Les mariages civils à l’étranger se sont multipliés ces dernières années parmi les jeunes. Mais les jeunes soumis aux traditions continuent à se marier à l’église. Je le vois chez mes neveux et nièces, pas tous, certains ont fait l’option du mariage civil.
L’autonomie financière est un des facteurs les plus importants qui permettent à la femme de riposter et de remettre son partenaire à sa place au lieu de s’écraser, car elle pourra se relancer dans la vie et se débrouiller, elle et ses enfants. En cas contraire, elle n’aura pas où aller et retourner chez ses parents est vue comme la pire des solutions. D’ailleurs, le partenaire ne se hasarderait pas à certaines réflexions, surtout celles qui mettent en avant ses humeurs, s’il sait qu’à force d’agressivité, il met en risque la relation avec sa femme, et que celle-ci peut se tourner vers d’autres horizons, qui lui sont plus favorables.

La ligue des portiers
Mardi 16 septembre 20256
Alors que le portier ou la portière ont disparu progressivement des immeubles des villes européennes, ne se maintenant que dans quelques copropriétés huppées, A Beyrouth, leur présence est une règle générale dans les immeubles qu’ils soient en propriété. On voit rarement devant l’immeuble la femme du portier, pourtant elle travaille souvent autant que le mari faisant le ménage ou rendant de menus services. Leurs enfants depuis leur bas âge ont également une présence utile. La présence d’une femme concierge implique soit que le mari exerce une autre profession, une partie de son temps, soit qu’il est décédé.
J’étais l’autre jour en visite chez des connaissances et c’est un petit haut de 3 pommes, surement moins de 5 ans, qui s’est pointé lorsque la porte d’entrée s’est ouverte. Il a clairement répondu à ma question si l’ascenseur marchait ou non. En effet, les ascenseurs ne marchent, en l’absence de courant de l’électricité publique, que s’il y a un abonnement à un générateur. Après sa réponse positive et alors que je me dirigeais vers la porte de l’ascenseur, le petit a spontanément couru et m’a ouvert la porte puis l’a refermée après que je sois rentrée dans la cabine. Puis il m’a fait un gentil signe de sa petite main et a disparu derrière la porte de leur logement, juste à gauche de l’entrée de l’immeuble.
Le portier et sa famille sont les gardiens des entrées et sorties et outre la fonction d’accueillir les personnes, ils rendent de nombreux services, souvent indispensables. Ils ont le mérite d’être toujours là, disponibles dès qu’on les appelle, ou s’ils sont occupés répondent dès que possible.
Le portier installe, à l’entrée de l’immeuble, sa chaise en plastique, le plus souvent couverte d’un coussin. Ce qui l’attire, c’est surtout le logement inclus dans la fonction. C’est précieux dans une ville comme Beyrouth où les loyers sont très élevés. Même si le logement est étroit, en général une salle et une chambre, parfois une seule chambre, la famille s’entasse. Souvent ce sont des familles nombreuses, qui dépassent les trois enfants et à part les Libanais, nombreux sont ceux qui sont d’origine syrienne, plus récemment sont apparus des Pakistanais et des Sri Lankais. Pour les Syriens c’est un poste plus confortable que de travailler dans la construction, comme la plupart de leurs compatriotes, surtout, ils peuvent avoir leur famille près d’eux.
Parmi les services rendus : transporter les courses lourdes des habitants qui le leur demande, faire des commissions, transmettre des messages aux différents habitants ou aux voisins, éloigner les intrus, très important dans un pays où les démarcheurs sont nombreux et veulent passer la porte d’entrée, aussi bien que les mendiants. On peut aussi confier au portier l’argent pour payer une facture, aller à la poste ou dans un service proche. Il veille au remplissage des réservoirs d’eau les quelques heures ou l’eau de la ville vient, ou accueille la citerne d’eau pour remplir un réservoir vide. Il transmet les factures du propriétaire du générateur du quartier aux résidents et leur paiement au même. Dans certains cas, il ouvre la porte à un électricien ou un plombier pour une réparation, et peut même assurer une petite réparation.
Il serait fastidieux de citer tous les services rendus et qui peuvent varier d’une propriété à l’autre. Ce qui est sûr c’est que le portier veille à avoir de bonnes relations avec tout le monde aussi bien les propriétaires que les locataires, qui tous le lui rendent en multiples pourboires. Plus il est dégourdi plus on aura recours à ses services. Il veille à faire circuler les informations utiles à qui il l’entend et c’est sa forme d’exercer son pouvoir.
Les portiers sont plus ambitieux pour leurs enfants, surtout lorsqu’ils sont Libanais, ils les poussent à faire des études et à se spécialiser. Nombre d’entre eux émigrent, surtout vers les pays du Golfe, ou d’autres pays arabes, d’où ils font des allers/retours.
Dans ce monde des portiers, ce qui prévaut avant tout est l’alliance entre eux et la manière dont ils se liguent et sont solidaires, bien sûr il peut aussi y avoir des inimitiés. Mais, en général, ils sont prêts à défendre leurs collègues et à leur rendre service, leur donner l’information qu’il faut et les valoriser auprès des propriétaires.
Ce n’est pas seulement un réseau efficace, mais ce sont des alliances qui se construisent au fil du temps, se maintiennent et se renforcent constituant un réseau spécifique au quartier. Les portiers savent qu’ils peuvent passer presque toute une vie à faire ce travail et essaient de s’en tirer pour le mieux dans leurs relations aux classes plus aisées.

Festival de l’OLJ (l’Orient le Jour)
Samedi 13 septembre 2025
En septembre dernier, l’OLJ unique journal quotidien francophone devait fêter son centième anniversaire. Pas de chance, les Israéliens ont commencé leurs hostilités, puis leurs bombardements le 18 septembre 2024 (voir mon récit septembre 2024). Les festivités ont été remises. Cette année est plus calme et du 12 au 14 septembre l’OLJ a organisé un festival intitulé : « Un vent de liberté », un beau titre qui correspond à l’arrivée au pouvoir du nouveau Président de la République Joseph Aoun et du nouveau premier ministre Nawaf Salam, qui tous deux se sont attelés à la tâche de commencer à remettre de l’ordre dans le pays. J’ai eu l’occasion de participer à quelques-uns des évènements.
Le plus marquant est le concert du très connu musicien de Jazz Ibrahim Maalouf, franco-libanais qui a fait une mise en scène d’une alliance/mariage entre lui et le public, avec plusieurs rappels à sa famille présente. Pourquoi mariage à une époque où cette institution est décriée et où les jeunes l’évitent, tout en restant importante dans un milieu où elle est le prolongement du pouvoir religieux/confessionaliste ? Mais ce n’est pas cet aspect qu’il a voulu voir, mais plutôt l’aspect alliance/rapprochement avec sa terre natale et ses compatriotes, suivi d’un moment festif.
A plusieurs reprises il a salué la présence de sa femme dans la salle la chanteuse libanaise Hiba Tawaji, également autrice et réalisatrice. Elle a interprété le rôle d’Esmeralda dans la comédie musicale « Notre Dame de Paris ». Elle a chanté les printemps arabes dans « El Rabih el arabi » et a travaillé avec Oussama Rahbani, fils du fameux compositeur Mansour Rahbani et frère du chanteur et compositeur Ziad Rahbani, décédé en juillet 2025, ayant eu des funérailles presque nationales. Il a été décoré à titre posthume de la médaille du cèdre par le premier Ministre Nawaf Salam. C’est tout le monde musical innovateur libanais qui est évoqué !
Comme Ibrahim Maalouf l’a raconté sur scène, il est fils de musicien, son père jouait de la trompette et sa mère du piano. Son père a inventé la trompette au quart de ton, qu’il a développé et formé les musiciens de son groupe « Les trompettes de Michel Ange ». Pourquoi Michel Ange ? L’artiste n’a jamais joué de la trompette. En revanche, l’archange Gabriel apparait toujours avec une trompette. Maitre de l’art de la composition et de l’improvisation lui et son groupe jouent des morceaux qui sont un mélange de musique jazz et de musique orientale, renouant avec la culture et la tradition libanaise. Il termine le concert avec une chanson traditionnelle que tout le monde reprend en cœur. On ne s’est pas beaucoup assis pendant le concert, I. Maalouf a sollicité tout le monde à participer en chantant et en dansant. Son concert est un appel à la liberté, surtout celle de l’expression artistique et musicale.
Visiblement I. Maalouf est enchanté de pouvoir jouer « à la maison » et de pouvoir s’exprimer avec la liberté à laquelle il est foncièrement attaché.
Il a voulu aussi au-delà du divertissement transmettre un message de solidarité pas seulement à ses compatriotes, mais surtout avec Gaza. Il évoque les milliers d’enfants victimes des bombardements sauvages des troupes israéliennes.

Un peu de l’histoire du Liban vu par l’OLJ
Dimanche 14 septembre 2025
L’OLJ a organisé une visite pour parcourir les différents lieux où le journal a eu ses bureaux. Le parcours s’est fait à bord d’un bus peint aux couleurs du journal. On a eu la chance d’être guidée par Carole Hayek, grand reporter et prix Albert Londres.
Fondé en 1924 par 2 étudiants Georges Naccache (né à Alexandrie en 1902, sa famille s’est installée au Liban ) et Gabriel Kabbaz qui se sont rencontrés à Paris. L’un était la plume littéraire et l’autre le gouvernail traitant de l’organisation et de la comptabilité. Les premières impressions de quelques feuillets de l’Orient ont eu lieu à l’imprimerie des jésuites à Beyrouth, les seuls ayant accepté de le faire. A l’époque il y avait un autre journal francophone Le réveil. Plus tard, un journal également intitulé du même titre est lancé par le parti de Kataeb et la famille Gemayel, fermé par Elie Hobeika commandant des forces libanaises pendant la guerre civile .
Dès sa fondation l’Orient s’est montré très critique à l’égard du mandat français. Il s’est toujours distancié du pouvoir politique, ce qui lui a permis des analyses plus objectives, proches de la réalité. Il a été interdit 22 fois au cours de son existence. A chaque fois il change de nom et réapparait sou un autre nom. On a vu le 1er immeuble occupé par le journal dans une ruelle de Bab Idriss. Aujourd’hui l’immeuble se retrouve dans le centre commercial Solidere, juste à côté des cinémas. L’ancien immeuble est rénové et a été racheté par un Libano-palestinien.
L’Orient était proche de Pierre Eddé , avocat, dans l’opposition, pendant le mandat du 1er ministre Bechara el Khoury, fils d’Emile Eddé, qui a été président. Ce dernier a empêché le second mandat de Bechara El Khoury, regroupant autour de lui les députés indépendants dont Ghassan Tueini. Plus tard, l’Orient a fusionné avec Le Jour, dirigé par Michel Chiha, proche du parti El Destour, au pouvoir. Les deux journaux étaient en concurrence à la fois en tant qu’entreprise et du point de vue de l’opinion politique. Mais tous deux étaient virulents contre Israël. La fusion a lieu en 1971, Naccache dirige la publication jusqu’à sa mort, à 69 ans, le 8 mai 1972.
Naccache, selon Carole, brule les mots, au sens littéral du terme. Quand il noircit son carnet et qu’il y a des mots qui ne lui plaisent pas, il les brule avec ses mégots de cigarettes, qu’il fume l’une après l’autre.
L’OLJ est racheté par les trois Pierres (Pierre Hélou, Pierre Pharaon et Pierre Eddé), achat négocié par Ghassan Tueini .
Après nous avoir fait passer par les bureaux de l’OLJ près de Hamra, on fait un arrêt devant le Musée national. Il se situe sur la ligne de démarcation de l’époque entre Beyrouth est et ouest. C’est là où se trouvaient les barrages et c’est à cet endroit qu’a été tué un des journalistes de l’OLJ, 3 autres ont également péri pendant la guerre civile (1975-1990), souvenir que Carole évoque avec tristesse. Elle raconte aussi comment pendant cette guerre les journalistes, qui vivaient de l’autre côté de Beyrouth, se sont installés au siège du journal et vivaient dans les hôtels environnants à Hamra, ne pouvant plus rentrer chez eux. Travailler sur le terrain devient très difficile. Mais il faut informer et pas un seul jour l’OLJ n’a manqué de paraitre, même censuré ou réduit à une plus petite dimension. Les moyens de communication n’étaient pas ce qu’ils sont aujourd’hui et le public attend le journal. La distribution porte à porte ou la vente à la criée assurent la diffusion, avec les risques que cela implique.
A partir de années 90, s’opère l’informatisation de l’OLJ, comme pour la plupart d’autres journaux. Aujourd’hui la plupart des abonnements se font sur internet et 90% des lecteurs vivent à l’étranger. Le prix de l’abonnement 215 $ par an explique qu’il y ait peu d’abonnés au Liban. La vente des journaux papier a baissé ces 20 dernières années. Selon le buraliste de la rue Badaro, il vendait avant 50 El Nahar (quotidien en langue arabe moins cher) et 30 OLJ, aujourd’hui il vend 3 à 4 El Nahar et 6 à 7 OLJ. Le distributeur de journaux lui a dit qu’il en vendait plus que d’autres. Le prix des journaux papier a aussi augmenté (200 000LL pour un El Nahar et 400 000 LL pour un OLJ, taux de change du marché 100 000 LL pour 1,13 $).
Une collègue à Carole, qui a aussi accompagné la visite, intervient sur le rôle des femmes journalistes. Celles-ci ont ouvert la voie du reportage sur le terrain. Elle-même a commencé ses reportages avec l’arrivée des réfugiés syriens du sud du Liban lors des bombardements israéliens de 2006. Ces journalistes femmes ont donné l’exemple aux autres. Elles ont ouvert la voie du reportage sur le terrain. A l’époque où elle a commencé, les conditions de de sécurité étaient minimales. Aujourd’hui ce n’est plus le cas, les journalistes sont secondés par des agents de sécurité.
Carole termine la visite en parlant de la censure. Elle en a déjà fait une analyse détaillée. Elle est plus subtile qu’avant. Mais le plus préoccupant est ce qui se passe sur les réseaux sociaux les fake news qui circulent, où dénigrement est plus facile et reste impuni. L’anonymat facilite les agressions verbales et écrites, en images ou en vidéos.
Parmi les ateliers organisés, au cours du festival, une journaliste Kim Ghattas a parlé de fausses accusations et de désinformation. Elle insiste sur le fait que les acquis peuvent toujours être remis en question et se demande pourquoi avec le changement de pouvoir au Liban celui-ci ne pourrait-il pas devenir un exemple pour d’autres pays.
Le festival s’est terminé par une rencontre avec le premier Ministre Nawaf Salam. Plutôt que de se rendre au Colloque, il a invité les participants au Grand Sérail. Je n’ai pas voulu rater cette occasion. Ce sont 2 journalistes de l’OLJ, Elie Fayad et Anthony Samrani, de génération différente qui ont conduit l’entrevue. La première partie est autobiographique. Il parle de son père Selim Salam, chef du mouvement réformiste, de son oncle ancien premier ministre Saeb Salam, en présence de son cousin, Tamam Salam, également ancien premier ministre. Il mentionne sa jeunesse à Paris et l’influence de mai 1968, alors qu’il était étudiant, puis son passage à L’institut d’études politiques et à Harvard dont il est diplômé, avant de commencer à travailler à l’ONU, puis à la CIJ (Cour internationale de justice) dont il est devenu président, d’où une grande connaissance de ce vaste monde. Son objectif : reformer en profondeur avec des moyens démocratiques, tout en gérant de manière diplomatique le retrait israélien, non encore complet.
Ce qui l’a surpris en arrivant est l’état déplorable de l’administration au quotidien, et le confessionalisme surtout dans le domaine de l’éducation. Il faut trouver « des stratégies pour s’en sortir ».
Il se concentre sur le problème de désarmement du hezb et comme il veut le dialogue il a été même accusé « d’agent sioniste » ce qui l’a beaucoup touché. Il a aussi signé un accord avec Mahmoud Abbas pour le désarmement des camps palestiniens. Pour lui les armes du hezb ne vont ni dissuader les Israéliens, ni défendre les villages du sud du Liban. Ils ne vont pas être non plus d’un grand soutien pour Gaza.
Il a déjà avancé plusieurs réformes concernant le secret bancaire, les finances, l’indépendance de la justice, la formation de diverses autorités de l’Etat…IL essaie d’introduire plus de transparence dans le fonctionnement de l’Etat…il ajoute « on ne peut pas seulement parler du problème du désarmement du hezb ».
Il faut avancer vers la création d’un Etat qui fonctionne.
Cela va prendre du temps. Espérons qu’on est sur le bon chemin !

Sptembre 2025

Nelly Jazra

Images de la montagne libanaise

Zone de Kesrouan

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