LISBONNE
Le contraste ou l’autre face de la médaille
5 mai 2022
Lisbonne c’est une autre réalité que Beyrouth.
Je repense avec nostalgie et tristesse à Beyrouth en voyant défiler des centaines de touristes dans le centre-ville de Lisbonne.
Quelle animation ! Evidemment assez artificielle.
Dans le centre-ville tous : les commerces, la restauration, l’hôtellerie se sont adaptés à ces nomades de passage.
On dirait qu’après le (a pourquoi féminin ?) covid, l’excitation a redoublé. Les jeunes s’agglutinent par dizaines devant les bars et s’entassent dans les restos ou sur les terrasses. A Beyrouth, si on va a Mar Michael ou Gemaizé les jeunes ont les mêmes comportement et ne sont pas si différents, sauf qu’à Beyrouth les touristes ont déserté et on remarque à peine la présence de quelques étrangers.
Dès qu’on sort du centre-ville, la vie normale reprend son cours. Les Portugais ressassent leurs problèmes quotidiens : revenu insuffisant, bas salaires, augmentation terrible des prix, transports publics bondés, logements chers et exigus, accès difficile à la propriété…Un quotidien loin d’être rose auquel les touristes tournent le dos.
Vendredi et samedi soir l’animation redouble. Pour éviter les restos à touristes où la qualité de la nourriture laisse souvent à désirer, on s’est réfugié dans un resto d’un autre quartier. L’animation du resto était à son comble. Des portugais en famille y compris des enfants en bas âge, en groupe avec des amis ou de la famille discutent à haute voix. Les voix résonnent dans ce resto à l’accueil sympa et affable mais tellement mal insonorisé. Le brouhaha est tel qu’il est impossible de faire une conversation sans crier. Le serveur, d’un air sésolé devant le bruit qui monte, jusque devenir insupportable s’exclame : « C’est vendredi soir ! ». Moment de détente et de défoulement des familles du quartier. La même ambiance qu’on voyait à Beyrouth avant l’effondrement du pays.
Dans la foulée du défoulement post-covid, ces soirs de WE, la musique retentit sur les différentes places jusqu’à très tard dans la nuit. On l’entend de loin sur la colline de Graça, un peu en hauteur par rapport au centre-ville. Les gens se rattrapent du moins ceux qui le peuvent.
Le miradouro de Senhora do Monte que les gens du quartier ont l’habitude de fréquenter en soirée pour prendre un peu d’air et se promener est envahi par des jeunes qui y campent par dizaines, jouant de la musique, buvant et, chahutant. Tout autour beaucoup de logements se sont transformés en locations pour touristes, au grand dam des habitants du quartier qui se voient priver d’une partie de leur espace public.
Moment de détente
7 mai 2022
Je poursuis une de mes promenades, en fin d’après-midi, non loin du quartier de Graça que j’aime bien : quartier typique, assez traditionnel, mélange d’habitat entre ancien et nouveau, envahi lui aussi à certaines heures de la journée par les touristes de passage.
Après un tour dans le couvent de Graça, presque désert mais proche du café du miradoura da Graça où ce sont surtout des touristes qui s’abalent à la terrasse du café. J’admire encore une fois les magnifiques azuléjos qui font faire presque le tour du monde à la période de la renaissance et l’exploration du monde par les Portugais, surtout des missionnaires en Inde (Goa), en Afrique du Nord, au Moyen-Orient, en perse…Un tour du monde sanglant, vu la manière cruelle et impitoyable avec laquelle sont morts tous ces martyrs, témoins d’une époque dédiée à la gloire de ce pays et à leur Dieu.
Une grue consolide le mur de soutien de la colline. La colline glisse imperceptiblement et nécessite de nouveaux supports. Je m’assieds sur un banc sur la place juste à côté du miradouro. Autrefois fleurie, elle ne garde aujourd’hui qu’un vague souvenir des fleurs qui embaumaient l’atmosphère. L’ombrage des arbres protège de l’ardeur du soleil, même couchant. La fontaine rafraichit l’air, encore empli de la chaleur de la journée. Les bancs autour de la fontaine sont tous occupés à cette heure de l’après-midi. Il me semble entendre parler ukrainien sur un des bancs où sont assises deus femmes, dont l’une est plus âgée que l’autre. Elles n’ont pas l’air dépaysés et doivent faire partie des résidents. C’est une communauté présente au Portugal depuis les années 2000 et qui compte plus de 50 000 membres, bien avant l’arrivée récente de réfugiés.
Un promeneur arrive crane dégarni, mal rasé, boucle à l’oreille. Son chien, un noir de taille moyenne, saute dans l’eau de la fontaine, fait un tour et ressort, puis replonge et ressort plusieurs fois. Son maitre l’appelle, s’énerve, le rappelle encore… rien à faire, il plonge et replonge et vient s’ébrouer près de son maitre. Il va aussi d’ébrouer près d’autres personnes assises sur les bans. Une fois qu’il a fini son cinéma, il vient sauter pour se faire caresser et demande des caresses aux flâneurs. Son maitre se sent un peu gêné, sans plus. Il doit connaitre les habitudes de son chien. Il gesticule, fait des signes, sans aucun résultat, sous l’œil amusé des promeneurs, devant ce spectacle improvisé.
2022-05-28