Mercedi 22 juillet
Une augmentation de cas fait revenir la bulle à cinq personnes.
Alors que se profile un été sans vacances et sans grands évènements. Des initiatives se développent pour que les personnes investissent l’espace public. Par exemple, Marolles ou La plage, ont ouvert et obtenu l’autorisation de fonctionner, avec une aide du gouvernement régional. Les communes appuient aussi diverses initiatives dans l’espace public, créant une dynamique de quartier. Soirées entre voisins avec un groupe de musique et quelques plats sont fréquents et occupent les espaces jardins ou même la rue. Elles connaissent du succès et les voisins veulent que cela se poursuit.
Ces initiatives vont être plus difficiles à maintenir avec le reconfinement.
En même temps, les théories du complot battent leur plein lxv. Certains pensent que le virus viendrait de la cocaïne, que la faute est aux pangolins, aux chauves-souris, à Bill Gates, au Mossad, à l’industrie pharmaceutique. Certains pensent encore que c’est un gros rhume qu’on soigne à coup de compresses et d’aspirines et il y a des dirigeants comme Bolsonaro, le Président brésilien, pour les encourager. Les remèdes font recette : gingembre bouilli, jus de citron, thé au fenouil, jus de cerise, grogs à base de whisky ou d’autres alcools. Il y a aussi ceux qui préconisent l’ail, le foie de bœuf ou les feuilles de margousier. On peut aussi se laver à l’alcool, au vinaigre blanc ou au chlore… Bref on trouve toutes sortes d’idées saugrenues qui trompent les plus crédules. On raconte aussi que certains dirigeants occidentaux veulent inoculer le vaccin aux africains. Naturellement, pour les Chinois le virus a été conçu par les occidentaux et il a été propagé par l’armée américaine. Pour l’Arabie Saoudite, c’est le Qatar qui est responsable et pour les nationalistes indous, ce sont les musulmans. Pour les Américains c’est l’Europe et pour la Wallonie ce sont les flamands. Bref chacun veut ainsi venir à bout de ses ennemis.
Que pense de cette situation Edgar Morin dans son livre « Changeons de voie » ?
Cet auteur, sociologue et philosophe, aura 100 ans en 2021, il a traversé les décennies et connu d’autres épidémies comme la grippe espagnole. Il se demande comment un minuscule virus apparu dans une très lointaine ville de Chine a déclenché un tel bouleversement du monde ? Edgar Morin s’interroge surtout sur la capacité des humains à réagir : «L’électrochoc sera-t-il suffisant pour faire enfin prendre conscience à tous les humains d’une communauté de destin ? Pour ralentir notre course effrénée au développement technique et économique ? … Il est temps de Changer de Voie pour une protection de la planète et une humanisation de la société. » Il insiste sur l’incertitude créée par cette situation : « Car toute vie est une aventure incertaine : nous ne savons pas à l’avance ce que seront notre vie professionnelle, notre santé, nos amours, ni quand adviendra, bien qu’elle soit certaine, notre mort. » C’est aussi la mort qui réapparait dans l’espace urbain. Elle a réveillé la mémoire oubliée, celle des grandes épidémies du Moyen Âge, celle des crises économiques ; en être tout-puissant, « l’homme pensait avoir dominé la nature. Elle a réveillé les solidarités devant l’épreuve générale, de partout les solidarités endormies ont combattu l’individualisme égoïste, éclairé sur la diversité des situations humaines et des inégalités, sur les in-certitudes scientifiques. Il nous faut aujourd’hui relever les défis qui se posent à l’humain : défi d’une mondialisation en crise, défi existentiel, politique, numérique, écologique, économique. Le danger, si on ne relève pas ces défis, est celui d’une grande régression intellectuelle, morale et démocratique » lxvi.
Il propose une nouvelle voie qui nécessite une gouvernance de concertation (État, collectivité, citoyen), une démocratie participative, un éveil citoyen mais aussi, et de façon préalable, « une politique qui conjugue mondialisation et démondialisation, croissance et décroissance, développement et enveloppement ».
Il a remplacé le mot révolution par métamorphose, qui dans un monde en transformation aurait une connotation positive.
Après cette pandémie, il faudra en prévenir d’autres pour qu’elles n’aient pas un effet aussi dévastateur. On va encore passer par des périodes de confinements et de reconfinements. Il faudra attendre qu’une proportion importante de la population soit vaccinée pour un retour progressif à la normale.
On a analysé ses effets à travers les continents et les réflexions qu’elle a suscitées. Les désastres qu’elle a produits et les réactions positives qui permettront de changer le futur.
Elle a aussi changé nos vies et notre manière de vivre.
Certaines activités ont bénéficié de la pandémie, d’autres au contraire en ont souffert lxvii. A partir du 13 mars 2020 notre vie a été bouleversée. Comme on l’a vu tous les lieux sont restés fermés : restaurants, cafés, lieux de rassemblement, lieux culturels… Les stades sont restés déserts. On s’est replié sur un univers restreint, chez soi et autour de soi. Dans les familles, le salon a été le centre de la vie familiale pour tout le monde. Chacun en a occupé une partie et la télé, Netflix ou les jeux sociaux ont eu la part belle dans l’occupation des membres de la famille, pendant ces longs mois de confinement. Rapprochements ou antagonismes au sein des familles sont apparus au gré du temps. Mais tous ont souffert de cet enfermement et de cet isolement.
Certains ont essayé de diversifier leurs activités. Au Heysel, ils ont mis en place une plateforme de vente de produits wallons secs et demi-frais. Vu le succès les organisateurs vont continuer cette activité. Les personnes n’ont même plus osé se rendre chez le médecin par peur de la contamination. Les consultations on-line se sont développées, mais aujourd’hui les gens sont revenus dans les cabinets de consultation et toutes les mesures d’hygiène ont été prises.
Les voyages n’étaient plus possibles, les aéroports sont restés déserts ou peu fréquentés, de même que les gares, qui ont vu le nombre de leurs voyageurs très réduits. A l’université les auditoriums sont restés déserts et les étudiants livrés à eux-mêmes. Certains ne branchaient même pas leur camera, laissant le professeur faire son cours devant un écran noir. Les travaux pratiques ont quand même repris lors du deuxième confinement.
Avec le télétravail beaucoup de bureaux sont restés vides. Une tour comme celle de Proximus à Bruxelles a perdu 97% de ses occupants. Dans le futur, les responsables pensent réduire la surface de bureaux en maintenant une proportion de télétravail et ne garder qu’une minorité nécessaire dans les bureaux. Laisser les salariés venir quelques jours par semaine, ce serait un bon choix selon les responsables, car ces derniers ont besoin de contacts avec leurs collègues.
Pour les restaurants, ils se sont mis à préparer des repas « takeaway ». Même les grands chefs n’y ont pas échappé, comme on l’a vu. C’était leur seul moyen de survivre.
Si les supermarchés ont connu une augmentation remarquable de leur chiffre d’affaires, la pauvreté a orienté beaucoup de gens vers les épiceries sociales. Elles ont été débordées et ont vu une population nouvelle, tombée dans la pauvreté et qui y a recouru. Ils ont dû se réorganiser pour les accueillir et les appuyer, y compris moralement.
Toutes les activités concernant la vente en ligne ont connu un boum. Aussi bien la distribution de colis par la poste mais aussi toutes les entités qui font la vente en ligne sur leur site. Les cartons ont débordé des poubelles, comme cela ne n’est jamais produit.
Les magasins de vélo n’ont jamais connu une période aussi prospère. En quelques mois, certains ont réalisé le double de leur chiffre d’affaires. Le télétravail et une circulation moins dense en ville ont permis une utilisation plus fréquente du vélo. On se demande si cette pratique se maintiendra après le confinement et si la circulation du vélo atteindra 10 ou 15% de la mobilité dans la ville de Bruxelles.
Tous ces éléments ont aidé ou au contraire difficulté notre vie pendant cette période de confinement qui se poursuit, en attendant la vaccination d’une partie importante de la population.