Progression de la pandémie (12)

jeudi 2 avril

Les nouvelles ne sont pas bonnes. Il y a une augmentation du nombre d’hospitalisations, bien qu’avec le confinement on dit que le nombre de contaminations aurait diminué. Le virus se répand à une grande vitesse et des pays comme l’Espagne dépassent tous les autres pays européens y compris l’Italie qui était en première ligne, puisque c’est là que sont apparus les premiers cas en Europe avec des voyageurs venus de Chine.

Romaric Godin, un économiste attire l’attention sur l’effet d’optique : « un flash keneysien n’est pas un changement de paradigme ». On ne peut pas crier à la défaite du néo-libéralisme.

Cet économiste se demande si l’intervention actuelle de l’Etat se maintiendra pour une réorganisation future de l’économie ou s’il interviendra juste le temps que le coronavirus passe.

Aujourd’hui avec la pandémie le recours à l’État n’est pas seulement toléré, il est requis. Cette action prend les formes classiques du keynésianisme (c’est une théorie où la relance l’économie se fait surtout à partir d’investissements publics importants), mais le but de l’Etat ne serait que de rétablir les conditions d’un retour à la normale, celle de la marchandisation accélérée de la société. Il n’est donc pas alors si étonnant de voir les néolibéraux appeler l’aide de l’État alors que l’économie mondiale subit un double choc de l’offre et de la demande.

Angela Merkel fait un accroc à l’orthodoxie budgétaire pour pouvoir préserver la survie du « Mittelstand » exportateur qui, est en première ligne de la crise chinoise et européenne en fournissant des aides exceptionnelles. Emmanuel Macron ne renonce pas à une privatisation qui, du reste, est déjà largement réalisée dans la gestion d’ADP (Aéroport de Paris), il prend acte des conditions de marché. Comme le ferait tout bon capitaliste. Quant aux plans de relance britanniques et italiens, ils répondent à une situation d’urgence.

Faisant référence à ce qui s’est passé cet économiste dit : « On recolle les plâtres des plans d’austérité du passé pour reconstruire à la hâte dix à quinze ans de destruction systématique des systèmes de santé… »

Selon cet auteur, ce qui compte, c’est qu’à aucun moment ces mesures ne modifient sensiblement l’équilibre des forces entre le capital et le travail. Face à un choc externe d’une telle ampleur, la seule bonne réponse est un matelas de sécurité solide, autrement dit un État social capable d’absorber le choc : une assurance-chômage généreuse, des mécanismes de redistribution, une sécurité sur l’avenir assurée concrètement par les autorités. Ici, le mécanisme est différent : il faut « sauver les emplois », entendez « sauver les entreprises ». Une fois l’urgence passée, le travail devra à nouveau accepter les sacrifices nécessaires au fonctionnement « normal » de l’économie : il faudra à nouveau rétablir la compétitivité et assainir les finances publiques.

Des économistes opposés à l’intervention de l’Etat sont revenus sur leurs positions dans cette situation de pandémie. Ils défendent la prise en charge par l’Etat non seulement du secteur de la santé mais du maintien de toute l’économie dans son ensemble.

Cet économiste dit encore : Le coronavirus ne construit rien, il détruit. Il y aura une lutte pour la nature de la reconstruction et ce n’est pas parce que nos dirigeants sont soudainement favorables à des plans de relance que cette reconstruction ne sera pas néolibérale.

L’auteur est pessimiste quant à des changements profonds de notre système dans le futur.

Mais espérons qu’avec la sortie de cette crise on pourra changer des éléments importants du fonctionnement de notre économie.

La crise sanitaire du Covid-19 que le monde est en train de vivre rend désespérément visibles les pires effets de la mondialisation financière : la destruction de notre système de production, l’ampleur des inégalités et les conséquences d’un modèle économique qui pendant des années a donné la priorité aux intérêts financiers plutôt qu’aux biens communs, notamment à la santé.

Comment expliquer que le personnel de santé et pas seulement, mais aussi les psychologues, les puéricultrices, les professionnel(les) qui accompagnent les personnes exclues ou en marge, dépendantes, sans domicile, sans papier, les infirmier(ères) à domicile ne bénéficient d’aucun matériel de protection ?

Seule explication : nous ne fabriquons plus ce matériel. Nous avons préféré le faire produire par des travailleurs moins rémunérés, moins protégés pour garantir l’équilibre de nos budgets.

Plusieurs années de politiques d’austérité, renforcées suite à la crise de 2008, ont détérioré le pouvoir d’achat des plus vulnérables d’entre nous. Cette crise sanitaire révèle les inégalités au travers des structures de santé déficientes, du manque de logements, de la précarité de l’emploi, des salaires anormalement bas de certaines professions, souvent très féminisées.

Les systèmes sanitaires de nombreux pays, comme la France et la Belgique, étaient parmi les meilleurs du monde. Ils ont été sous-financés, privatisés pour certains afin de garantir l’équilibre financier. Ce même personnel soignant, que nous applaudissons à 20h de nos balcons, les « blouses blanches » ont organisé un mouvement de protestation pendant des mois (c’est le cas de la France, moins de la Belgique) pour dénoncer la dégradation de leurs conditions de travail, l’augmentation de leur charge de travail et le manque de valorisation de la profession.

Pour cette raison nous devons revoir notre modèle et en bâtir un sur de nouvelles bases.

Je me joins aux idées de certains groupes de réflexion, qui affirment que nous avons besoin d’innovation, de changement de prisme, d’un modèle post-crise sanitaire, dont on ne sait pas encore quelle forme il va prendre. Ses piliers seraient les valeurs de solidarité, d’inclusion et d’économie sociale, d’équité, mis en pratique par des gestes forts comme la relocalisation de notre production au travers des chaînes d’approvisionnement, en commençant par les productions industrielles indispensables, surtout en matière de santé. Il donnerait la préférence aux circuits courts, à la production locale, en particulier alimentaire et surtout la création de millions d’emplois qui puissent assurer un revenu décent à chacun d’entre nous et à des services publics efficaces et généralisés pour mener correctement leurs missions de régulation et de protection des plus vulnérables.

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