Commémoration
Les 50 ans des 3 Marias
9 Mai 2022
Lisbonne
Cette fois c’est la commémoration des 3 Marias. Ce n’est pas souvent qu’on commémore des femmes. Ce sont les 50 ans d’un livre qui a fait date dans l’histoire du féminisme au Portugal : « Novas cartas portuguesas » de 3 autrices dont les noms commencent par Maria : Maria Isabel Barreno, Maria Teresa Horta et Maria Velho da Costa. Une majorité de portugaises ont le prénom de Maria en plus d’un autre prénom. Beaucoup moins aujourd’hui. Cela me faisait toujours penser a « Nossa Senhora », une grande dévoration pour la vierge Marie, qui aide les femmes à supporter tout ce qui leur arrive.
Ce livre a été un tournant dans l’évolution du féminisme dans ce pays. Dans la salle peu de jeunes femmes, la plupart sont d’âge mur, plus les invités : des femmes politiques et des représentantes des associations.
Les portugais sont fans de commémorations. C’est une habitude populaire, sociale et aussi politique. Ce qui est drole c’est que parmi les 6 intervenants par groupe de trois dans chaque table ronde, deux hommes : un jeune journaliste et un avocat qui était présent lors du procès fait aux 3 Marias pour atteinte à la pudeur, à la suite de la publication du livre, tous deux niaient le fait d’être féministe et s’interrogeaient sur la signification de l’expression. Cela n’a pas provoqué de réaction de la part du public en majorité écrasante composé de femmes.
Paternalisme et conservatisme marquent encore lourdement la société portugaise, y compris chez les femmes qui ont lutté contre le fascisme.
Le livre « Novas cartas portuguesas » est impressionnant pour l’époque. C’est top ! Il parle de la vie sexuelle des femmes, de leurs corps, de leur désir, de manière assez osée (à la Anais Nin !). C’est pour cette raison que dans un Portugal, marqué par la censure et la dictature, sans aucune liberté d’expression, les 3 Marias ont été traduites en justice pour outrage aux bonne mœurs et atteinte à la moralité publique. Si ce n’était la mobilisation qui a suivi, au niveau du pays les femmes prenant conscience de la situation où elles se trouvaient et mobilisant les avocats les plus brillants de l’époque, qui étaient opposés au fascisme et les ont défendus jusqu’à obtenir l’acquittement. Le pouvoir dictatorial voulait éviter que cette affaire fasse tache d’huile et mobilise l’opposition au régime. Malgré le fait qu’on était passé au Marcelisme qui prétendait une certaine ouverture, mais la répression pesait lourdement. La fin de ce procès ne s’est pas fait sans dommage puisque l’une des 3 Marias a été attaquée – Maria Teresa Horta- et a souffert des dommages corporels, outre les effets psychologiques.
Au niveau international de grandes figures du monde littéraire et des associations se sont mobilisées, faisant pression sur les autorités qui ont fini pour se convaincre qu’il valait mieux en terminer avec cette affaire.
C’est aussi au même moment où il y a eu en France le manifeste dit des 77 salopes en faveur de la légalisation de l’avortement (dont Gisèle Halimi, avocate très connue).
2022-05-29